Cycle
Compositrices !

ven. 5 mai - 19.30
Concert Musique de chambre Venise

Le temps des ambitions

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jeu. 11 mai - 19.30
Concert Musique de chambre Venise

Cordes sensibles

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Y avait-il des compositrices au XIXe siècle ? Les livres d’histoire de la musique pourraient nous en faire douter. Et pourtant…

Pour raconter l’histoire de l’art, on a longtemps préféré n’éclairer que quelques grandes figures de créateurs : des "génies" en lutte avec leur temps ou des maîtres qui en définissent l’essence. Partial et parfois cruel, ce geste a plongé dans l’obscurité une multitude de musiciens, dès lors arbitrairement qualifiés de mineurs ou secondaires et condamnés au silence puisqu’ils n’appartenaient pas au groupe des élus essentiels. À l’heure où nous révisons cette manière de faire, remettant en cause les jugements esthétiques du XXe siècle et nous lançant dans la redécouverte de beautés oubliées, on doit aussi constater qu’en désignant l’indispensable, la période qui nous précède n’a jamais sélectionné de compositrice. Sur la fameuse frise chronologique qui orne la plupart des classes de musique : aucun visage féminin. Ceci a de fâcheuses conséquences. Comment une jeune fille d’aujourd’hui peut-elle se projeter dans la carrière de compositrice si on ne lui a jamais présenté de figure tutélaire lui prouvant que la chose est possible et s’inscrit même dans une histoire pluricentenaire ? Sans minimiser les difficultés rencontrées en leur temps par ces artistes, le moment semble venu d’en étudier plus précisément le parcours et de redonner vie à leurs productions – à la scène, au concert et au disque. En présentant ces nouveaux modèles du passé, nous espérons participer à la construction d’un avenir plus juste et varié.
L’œuvre d’une femme artiste, admirablement douée, merveilleusement laborieuse comme Mme Cécile Chaminade, fait plus pour l’émancipation réelle de la Femme et est plus menaçante pour notre longue autonomie masculine que tous les discours.

Armand Silvestre, 1909

Entraves
Si composer n’est pas interdit aux femmes du XIXe siècle, le contexte général paraît peu propice à leur épanouissement. Dès les bancs de l’école, on les encourage différemment des garçons. Alors que le Conservatoire de Paris ouvre ses portes aux deux sexes depuis sa fondation (1795), les classes théoriques (harmonie, contrepoint et fugue, composition) restent l’apanage des hommes jusqu’aux années 1840. On valorise l’enseignement féminin du piano ou de l’orgue, mais l’idée de les guider vers la création paraît longtemps incongrue. Et, bien que la Troisième République mette tous les élèves sur un pied d’égalité, les jeunes filles doivent encore attendre 1903 pour briguer le prix de Rome de composition musicale. Ce qu’elles ne peuvent trouver dans les établissements officiels doit être cherché dans le domaine privé. Antoine Reicha a ainsi donné des leçons à Hélène de Montgeroult, Louise Bertin, Louise Farrenc et Pauline Viardot ; Camille Saint-Saëns conseille Clémence de Grandval ; Benjamin Godard forme Cécile Chaminade et César Franck prend Augusta Holmès sous son aile. Cette assignation à la sphère privée ne s’observe pas que dans le domaine de l’enseignement. Évoluant généralement parmi l’élite sociale, les compositrices se heurtent aux attentes patriarcales de leurs contemporains : on les souhaite mères et maîtresses de maison, sans autre occupation. La dérogation à cet impératif n’advient que dans des contextes exceptionnels.

"Femmes compositeurs"
Après la formation vient le temps de la carrière. Sur ce point aussi, les parcours féminins divergent de ce que l’on peut observer chez les hommes. Faire profession de ses talents d’écriture paraît incompatible avec la place que l’on attribue aux femmes dans la société, notamment les bourgeoises et les aristocrates. Preuve de l’aberration du métier de "compositrice", le mot même est d’une grande rareté dans le vocabulaire romantique. On lui préfère "femme compositeur", montrant ainsi clairement que cette activité purement masculine ne peut concerner l’autre sexe que de manière périphérique. Nombre de créatrices du XIXe siècle ressentent ainsi le besoin de se travestir ou de garder l’anonymat en publiant leurs ouvrages. Elles peuvent emprunter des pseudonymes masculins – telle Marie-Foscarina Damaschino devenant Mario Foscarina –, des formes neutres ou ambiguës – telles Ch. Sohy et Mel Bonis –, ou encore se cacher derrière une simple lettre – comme Sophie Gail, signant la partition des Deux Jaloux par "Mme Sophie G….". Par ailleurs, pour celles qui fondent une famille, le temps de la maternité et de l’éducation des enfants marque une rupture entre la période de formation et celle des premiers pas sur la scène artistique. Les différentes étapes qu’un musicien doit franchir pour prouver sa valeur et voir s’ouvrir les portes des concerts symphoniques ou des scènes lyriques sont alors entreprises avec quinze ou vingt ans de retard par rapport à leurs collègues hommes.
1818
La Sérénade
Sophie Gail
1831
Fausto
Louise Bertin
1867
Le Dernier Sorcier
Pauline Viardot
1888
La Nuit et l'Amour
Augusta Holmès
1892
Mazeppa
Clémence de Grandval
Au salon
Assignation à domicile et empêchement à la professionnalisation poussent naturellement les compositrices à rester à l’écart des lieux de musique les plus prestigieux – les scènes lyriques et les concerts symphoniques – pour se contenter d’espaces intimes. La romance puis la mélodie, les pièces pour piano, les opéras de salon, la musique de chambre et la littérature pédagogique forment les principales entrées des catalogues de ces artistes. On aurait pourtant tort de considérer que les genres secondaires n’enfantent que des œuvres sans envergure. Les partitions d’Hélène de Montgeroult portent en elle les fondements de la virtuosité pianistique romantique. Les mélodies de Pauline Viardot et les lieders de Marie Jaëll lancent des ponts entre les différentes écoles vocales européennes. Les sonates, trios, quatuors et quintettes instrumentaux signés Louise Farrenc, Cécile Chaminade, Clémence de Grandval, Mel Bonis ou Rita Strohl méritent quant à eux d’être redécouverts au même titre que ceux – souvent aussi oubliés – de certains de leurs contemporains masculins. La plupart de ces partitions peuvent émouvoir et éblouir le public d’aujourd’hui par leurs qualités propres, sans avoir à justifier d’entrer dans une programmation au nom de la parité. En promouvant les productions des compositrices, on ne défend pas, en effet, une "musique de femme" qui serait esthétiquement uniforme. On prouve au contraire leur grande diversité et leur parfaite insertion dans le paysage artistique de leur temps.

Exceptions
Aux règles, il faut des exceptions. Les femmes ne peuvent pas accéder aux scènes lyriques ? Voyez Louise Bertin créer successivement Le Loup-Garou à l’Opéra-Comique (1827), Fausto au Théâtre-Italien (1831) et La Esmeralda à l’Opéra de Paris (1836). Elles sont condamnées aux succès d’estime ? Observez Les Deux Jaloux de Sophie Gail cumuler 250 représentations à Paris entre 1813 et 1830 tout en se diffusant sur la plupart des scènes françaises. Elles se restreignent aux petites formes ? Jetez un œil au catalogue d’Augusta Holmès, ses poèmes et drames symphoniques ou encore son Ode triomphale ne réclamant rien moins que 1200 exécutants. Elles ont été constamment méprisées par leurs contemporains et oubliées dès leur disparation ? Notez qu’en désignant les compositeurs décédés pouvant représenter la France à l’Exposition universelle de 1878, on choisit Louise Farrenc et que le prix Chartier – décerné par l’Institut pour couronner les meilleures productions de musique de chambre – a été attribué à cette même compositrice en 1869 et à Clémence de Grandval en 1890. Toute tentative d’enfermement des compositrices dans un même périmètre se heurte à ce type de contre-exemples. À mesure que leurs archives nous parviennent, que leurs parcours se trouvent précisés et que leurs partitions sont mises de nouveau sur les pupitres, ces artistes – rebelles ou soumises – quittent la légende maudite de l’histoire de la musique pour révéler leurs singularités et la pluralité de leurs destinés.

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