Nuits
I GIARDINI
Symbiose entre l’art du poète et celui du compositeur, la mélodie française est devenue le fleuron des salons de la Belle Époque. Tournant peu à peu ses regards vers la salle de concert symphonique, le genre s’est paré des couleurs de l’orchestre grâce au talent de Duparc, Saint-Saëns, Debussy et bien d’autres qui restent à redécouvrir. Mais, curieusement, entre le simple piano accompagnateur et le vaste ensemble instrumental, seules quelques oeuvres ont su tirer parti de la richesse et de la variété des effectifs de musique de chambre. Regroupant quatuor à cordes et piano autour du chanteur, la Chanson perpétuelle de Chausson, le Nocturne de Lekeu et le cycle La Bonne Chanson de Fauré (ces deux derniers étoffés par les compositeurs dans un second temps) allient l’art de la mélodie et celui du quintette avec piano dans un ensemble dont les couleurs oscillent entre intimité chambriste et ambitions orchestrales. Isolées dans l’histoire de la musique française, ces pages pionnières ont acquis une célébrité jamais démentie. Le programme proposé par le Palazzetto Bru Zane à Véronique Gens et aux musiciens de l’ensemble I Giardini (et coproduit au disque avec Alpha Classics) a un triple objectif : revendiquant le retour à l’art de la transcription si cher au XIXe siècle, il souhaite élargir le répertoire pour voix, cordes et piano, proposer une lecture originale d’œuvres bien connues et mettre en lumière quelques pépites oubliées. Aux côtés des trois œuvres citées de Fauré, Lekeu et Chausson voisinent ainsi Hahn, Berlioz, Saint-Saëns, Massenet, La Tombelle, Ropartz, Louiguy et Messager, avec comme fil conducteur les émois de l’abandon nocturne : charmes du crépuscule, voyage des songes, terreur du cauchemar ou ivresse de la fête. Cycle voué à se répéter à l’infini, ce cheminement sentimental est coloré par des mouvements instrumentaux qui ponctuent les étapes de ces « Nuits » pleines d’une douce mélancolie...