Toqué, fou, bouffe, débordant de gaîté et plein de variété : l’esprit festif et satirique de la seconde partie du XIXe siècle s’invite cette saison pour fêter le bicentenaire du compositeur Hervé (1825-1892).
Cycle
Folies parisiennes
« Un peu d’audace, M. Perrin ;
je vous jure que je ne suis
pas plus niais que Wagner ou Verdi.
Oubliez un peu L’Étranger et confiez
un poème à votre Parisien dévoué. »
je vous jure que je ne suis
pas plus niais que Wagner ou Verdi.
Oubliez un peu L’Étranger et confiez
un poème à votre Parisien dévoué. »
Lettre d’Hervé à Émile Perrin, directeur de l’Opéra, 1868.
Bicentenaire Hervé (1825-1892)
Le compositeur Hervé (de son vrai nom Florimond Ronger) a été – ces dernières saisons – un fil rouge du Palazzetto Bru Zane, avec le souhait d’élargir ses recherches scientifiques et propositions artistiques aux genres dits « légers ». Les Chevaliers de la Table ronde, Mam’zelle Nitouche, Le Compositeur toqué, Le Retour d’Ulysse, V’lan dans l’œil, Moldave et Circassienne : toutes ces œuvres ont retrouvé le chemin de la scène pour mieux faire connaître l’humour singulier d’un auteur trop souvent laissé dans l’ombre de Jacques Offenbach – son contemporain et concurrent. Pour célébrer le bicentenaire de la naissance de ce musicien aussi prolifique que loufoque, le cycle « Folies parisiennes » le place au cœur d’un mouvement artistique qui, du Second Empire à la Belle Époque, mise sur l’absurde et la déraison pour divertir le plus grand nombre.
La naissance de l’opérette
Fort du succès phénoménal des grands opéras romantiques, le monde lyrique français a tendance, au milieu du XIXe siècle, à se prendre très au sérieux, y compris l’opéra-comique. Deux compositeurs s’attellent, en réaction, à l’ouverture de nouveaux lieux où légèreté et rires auraient toute leur place. Si l’entreprise répond à une demande du public, la tâche est loin d’être aisée. Les spectacles se trouvent alors sous le régime du privilège, offrant à quelques salles un monopole : l’Académie impériale, l’Opéra-Comique, le Théâtre-Italien et le Théâtre-Lyrique. Il faut donc beaucoup d’ingéniosité et un peu de connivence avec le pouvoir en place pour ouvrir les Folies-Concertantes (Hervé, 1854) et les Bouffes-Parisiens (Offenbach, 1855), puis contourner les interdits. On limite à deux le nombre de chanteurs sur scène dans ces théâtres ? On fera le trio avec un artiste en coulisse. On ne peut pas jouer d’œuvres dramatiques ? On programmera des excentricités sans queue ni tête. À mesure que le succès s’affirme pour le théâtre des Bouffes-Parisiens d’Offenbach, le privilège qui lui est accordé s’élargit : les deux actes d’Orphée aux Enfers, en 1858, marquent l’entrée du genre dans la cour des grands.
Au café-concert
Tandis que l’esprit satirique de l’opéra-bouffe gagne les planches des grandes salles de spectacle, les lieux plus modestes dans lesquels il a pris corps continuent de le défendre. Les soirées au café-concert reposent sur une succession de petits numéros où la musique voisine avec l’acrobatie, la danse, la magie, la poésie ou le dressage d’animaux. À défaut d’une dramaturgie sophistiquée, on tient le spectateur en haleine en variant les plaisirs et en misant sur les émotions fortes : on passe, en un changement de plateau, du pathétique au désopilant, de l’émoustillant à la parodie. L’écriture musicale joue alors la carte de la simplicité : des mélodies que l’on retient et que l’on peut chanter chez soi, à l’aide d’un piano ou d’une guitare. Et la popularisation des chansons ou scènes comiques passe également par la mise en avant de certains interprètes vedettes. La gouailleuse Thérésa et le comique troupier Paulus ouvrent le bal, bientôt rejoints par Yvette Guilbert ou Aristide Bruant. Ce dernier, dont on commémore en 2025 le centenaire de la disparition, incarne – au tournant du siècle – le Montmartre de l’avant-garde politique et esthétique.
La folie des grandeurs
Pour offrir un spectacle populaire, on ne se contente pas toujours de bouts de ficelle. Le grand opéra a habitué le public parisien aux déferlements de splendeurs – décors multiples, costumes très travaillés et pyrotechnie impressionnante – sur les planches : les genres moins sérieux n’hésitent pas à recourir aux mêmes procédés. En s’appuyant sur la tradition ancienne de la féerie, des théâtres comme le Châtelet et la Gaîté proposent sous la Troisième République des ouvrages spectaculaires qui multiplient les « tableaux », tel Le Voyage dans la Lune d’Offenbach (1875) nécessitant vingt-trois changements de décor et transportant son auditoire non seulement de la Terre au ciel, mais de palais en volcan en passant par des galeries de nacre. Quand Jules Verne inspire son rival, Hervé se tourne vers les histoires orientales (Aladdin the second, créé à Londres en 1870, ou la féerie Les Mille et une Nuits pour le Châtelet en 1882), bientôt rejoint par Charles Lecocq (Ali-Baba, 1887), et d’autres revisitent les contes nationaux : Massenet s’empare de Cendrillon (1899), Charles Silver de La Belle au bois dormant (1902) et Fourdrain des Contes de Perrault (1913).
Le compositeur Hervé (de son vrai nom Florimond Ronger) a été – ces dernières saisons – un fil rouge du Palazzetto Bru Zane, avec le souhait d’élargir ses recherches scientifiques et propositions artistiques aux genres dits « légers ». Les Chevaliers de la Table ronde, Mam’zelle Nitouche, Le Compositeur toqué, Le Retour d’Ulysse, V’lan dans l’œil, Moldave et Circassienne : toutes ces œuvres ont retrouvé le chemin de la scène pour mieux faire connaître l’humour singulier d’un auteur trop souvent laissé dans l’ombre de Jacques Offenbach – son contemporain et concurrent. Pour célébrer le bicentenaire de la naissance de ce musicien aussi prolifique que loufoque, le cycle « Folies parisiennes » le place au cœur d’un mouvement artistique qui, du Second Empire à la Belle Époque, mise sur l’absurde et la déraison pour divertir le plus grand nombre.
La naissance de l’opérette
Fort du succès phénoménal des grands opéras romantiques, le monde lyrique français a tendance, au milieu du XIXe siècle, à se prendre très au sérieux, y compris l’opéra-comique. Deux compositeurs s’attellent, en réaction, à l’ouverture de nouveaux lieux où légèreté et rires auraient toute leur place. Si l’entreprise répond à une demande du public, la tâche est loin d’être aisée. Les spectacles se trouvent alors sous le régime du privilège, offrant à quelques salles un monopole : l’Académie impériale, l’Opéra-Comique, le Théâtre-Italien et le Théâtre-Lyrique. Il faut donc beaucoup d’ingéniosité et un peu de connivence avec le pouvoir en place pour ouvrir les Folies-Concertantes (Hervé, 1854) et les Bouffes-Parisiens (Offenbach, 1855), puis contourner les interdits. On limite à deux le nombre de chanteurs sur scène dans ces théâtres ? On fera le trio avec un artiste en coulisse. On ne peut pas jouer d’œuvres dramatiques ? On programmera des excentricités sans queue ni tête. À mesure que le succès s’affirme pour le théâtre des Bouffes-Parisiens d’Offenbach, le privilège qui lui est accordé s’élargit : les deux actes d’Orphée aux Enfers, en 1858, marquent l’entrée du genre dans la cour des grands.
Au café-concert
Tandis que l’esprit satirique de l’opéra-bouffe gagne les planches des grandes salles de spectacle, les lieux plus modestes dans lesquels il a pris corps continuent de le défendre. Les soirées au café-concert reposent sur une succession de petits numéros où la musique voisine avec l’acrobatie, la danse, la magie, la poésie ou le dressage d’animaux. À défaut d’une dramaturgie sophistiquée, on tient le spectateur en haleine en variant les plaisirs et en misant sur les émotions fortes : on passe, en un changement de plateau, du pathétique au désopilant, de l’émoustillant à la parodie. L’écriture musicale joue alors la carte de la simplicité : des mélodies que l’on retient et que l’on peut chanter chez soi, à l’aide d’un piano ou d’une guitare. Et la popularisation des chansons ou scènes comiques passe également par la mise en avant de certains interprètes vedettes. La gouailleuse Thérésa et le comique troupier Paulus ouvrent le bal, bientôt rejoints par Yvette Guilbert ou Aristide Bruant. Ce dernier, dont on commémore en 2025 le centenaire de la disparition, incarne – au tournant du siècle – le Montmartre de l’avant-garde politique et esthétique.
La folie des grandeurs
Pour offrir un spectacle populaire, on ne se contente pas toujours de bouts de ficelle. Le grand opéra a habitué le public parisien aux déferlements de splendeurs – décors multiples, costumes très travaillés et pyrotechnie impressionnante – sur les planches : les genres moins sérieux n’hésitent pas à recourir aux mêmes procédés. En s’appuyant sur la tradition ancienne de la féerie, des théâtres comme le Châtelet et la Gaîté proposent sous la Troisième République des ouvrages spectaculaires qui multiplient les « tableaux », tel Le Voyage dans la Lune d’Offenbach (1875) nécessitant vingt-trois changements de décor et transportant son auditoire non seulement de la Terre au ciel, mais de palais en volcan en passant par des galeries de nacre. Quand Jules Verne inspire son rival, Hervé se tourne vers les histoires orientales (Aladdin the second, créé à Londres en 1870, ou la féerie Les Mille et une Nuits pour le Châtelet en 1882), bientôt rejoint par Charles Lecocq (Ali-Baba, 1887), et d’autres revisitent les contes nationaux : Massenet s’empare de Cendrillon (1899), Charles Silver de La Belle au bois dormant (1902) et Fourdrain des Contes de Perrault (1913).